• 28 avril 2024

Laissez les Maires travailler !

Par Sylvain BERRIOS – Alors que le congrès des Maires de France s’est ouvert, nous entendons beaucoup parler du découragement des élus et des difficultés rencontrées dans l’exercice de leur fonction. Comme chaque année, le Gouvernement fera sans doute mine d’écouter, le président de la République recevra quelques-uns d’entre nous à l’Élysée, puis… rien ne changera !

Au fond, s’il s’agissait seulement du bien être des Maires, cela aurait un intérêt relatif d’en parler autant. Mais il me semble que le sujet qui est soulevé est en réalité celui de l’efficacité même des politiques publiques au service des Français dans des domaines aussi divers que le logement, l’environnement, l’accompagnement social, l’éducation, la sécurité, la culture, le sport… Les Maires ont en effet à traiter quotidiennement l’ensemble de ces sujets, parmi tant d’autres encore. La seule chose qu’ils demandent, c’est qu’on les laisse travailler.

Des compétences municipales éparpillées « façon puzzle »

La Constitution française dispose d’un principe fondamental de fonctionnement de la République : la libre administration des communes. Ceux qui rêvent sans cesse de réviser la Constitution pour inscrire dans le marbre de nos institutions de nouvelles dispositions seraient aussi avisés de réfléchir à la façon dont les gouvernements successifs, depuis le début des années 2000, ont méthodiquement perverti ce principe constitutionnel jusqu’à le rendre aujourd’hui, à bien des égards, sans objet.

Pour les communes situées dans la Métropole du Grand Paris, les Maires se trouvent désormais écartelés entre 6 strates administratives : l’État, la Région, la Métropole, les Établissements Publics Territoriaux et les Départements, avec des compétences éparpillées « façon puzzle » entre chacune de ces entités, sans qu’aucune ne puisse assumer pleinement la sienne.

Ressources confisquées et promesses coûteuses

Les Maires naviguent ainsi de réunions en commissions, de commissions en comité de pilotage, voguant après des subventions qui ne sont rien d’autres que leurs propres ressources confisquées sur l’hôtel d’une métropolisation à marche forcée, aussi complexe que coûteuse.

L’assèchement presque intégral des recettes fiscales des communes, combiné à une Dotation générale de fonctionnement (DGF) en berne (en 10 ans, la DGF a connu une chute spectaculaire de plus de 40 Mds€ à moins de 27Mds€, sans même tenir compte de l’inflation) la suppression de la taxe d’habitation sans compensation intégrale et les augmentations de masse salariale décidées unilatéralement par l’État conduisent à une situation périlleuse.

Pourtant le Gouvernement passe rarement une semaine sans qu’une annonce ayant un impact direct sur les communes ne soit faite, comme si les collectivités étaient subordonnées aux humeurs du Conseil des Ministres ! Ainsi a-t-on entendu ces derniers mois une litanie d’annonces sur la rénovation des salles de classes, sur les équipements sportifs municipaux, sur l’augmentation des places de crèches, sur les pistes cyclables ou encore l’augmentation de la part d’aliments bio à la cantine… Autant de promesses gouvernementales qui relèvent du

domaine communal et viennent resserrer davantage l’étau de villes au bord de l’asphyxie budgétaire, dont les budgets d’investissement sont déjà tous revus à la baisse.

Le gouvernement n’est plus capable de tenir sa parole

Dans ce tourbillon d’annonces gouvernementales, les Préfets sont envoyés au charbon pour faire vivre le fantasme du fameux couple Préfet-Maire, qui n’existe plus que dans l’esprit romantique de quelques cabinets de conseil parisiens. Des contacts sont établis par les représentants de l’État, des « visio » sont organisées, des engagements sont pris… puis sont balayés par l’annonce gouvernementale suivante qui aura défini une nouvelle priorité.

Ainsi, qui se rappelle des engagements du Gouvernement à l’égard des communes engagées dans le processus vertueux de maîtrise budgétaire, communément appelé « contrat de Cahors » ? Personne. Et d’ailleurs les fameux contrats ont eux aussi disparus… tant pis pour les communes et les Maires qui s’y étaient engagés en déployant des trésors d’énergie et faisant des choix budgétaires parfois difficiles, mais courageux !

Pendant ce temps, les grands chantiers d’aménagement, et notamment de transports, pourtant structurants pour les habitants, sont bien souvent au point mort ou accusent des retards conséquents par manque de vision, de décision, et de détermination de l’État à mener ces chantiers jusqu’à leur terme.

A la fin c’est toujours le Maire qui fait

Ce triste constat est pourtant effacé par la certitude qu’à la fin, les Maires finiront toujours par trouver une solution et qu’ils ne laisseront tomber ni leurs administrés … ni même l’État.

Ainsi, lors de la crise sanitaire du Covid ce sont les Maires qui ont agi, gérant la pénurie de masques, venant en aide aux personnes isolées, offrant aux soignants et à leurs famille un soutien sans faille, organisant les centres de dépistages puis de vaccinations. Les Maires n’ont attendu ni les instructions de l’État, ni son soutien logistique et financier, arrivé bien souvent tardivement et partiellement, pour agir dans l’intérêt de leurs habitants et de leur santé.

Anticiper, agir et servir sans jamais s’appesantir, sans se retourner, sans amertume… nous demandons juste une chose : laissez-nous travailler !