• 28 avril 2024

LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA VENUE DU PRÉSIDENT IRANIEN

Monsieur le Président, vous recevez prochainement à Paris le Président de la République islamique d’Iran, M. Hassan Rohani. C’est un choix diplomatique à propos duquel chacun d’entre nous peut avoir son avis. En revanche, il est de notre responsabilité d’attirer votre attention sur le bilan accablant du régime des mollahs en matière de respect des droits de l’homme. Il nous apparaît également nécessaire de vous mettre en garde contre la tentation de renouer prématurément avec Téhéran sans lui demander au préalable de procéder à un changement d’attitude dans la conduite de sa politique internationale.

La théocratie iranienne est l’un des régimes les plus liberticides de la planète. Cette dictature islamiste viole les droits de l’homme de manière systématique et massive. Les opposants ou les simples citoyens refusant de se plier aux diktats du régime subissent de plein fouet une violence arbitraire et implacable, une politique de terreur érigée en système de gouvernement.

Comme le rappelle le rapporteur spécial des Nations Unies pour la question des droits de l’homme en Iran, M. Ahmed Shaheed, Téhéran « continue d’exécuter plus d’individus par habitant que l’ensemble des autres pays du monde ». L’accession à la présidence de M.Rohani n’a malheureusement pas apporté l’infléchissement espéré. Pire, le rythme des exécutions s’est accéléré depuis son arrivée au pouvoir et leur nombre a explosé (près de 2000 exécutions entre 2013 et 2016). On dénombre pas moins de dix-neuf exécutions pour le seul mois de janvier 2016 dont trois pendaisons publiques. Parmi les suppliciés, un nombre significatif d’entre eux étaient mineurs au moment des faits pour lesquels ils ont été condamnés à mort. Certains ont été exécutés pour des motifs aussi ubuesques que « l’inimitié à l’égard de Dieu » ou la propagation de la « corruption sur terre. » Sur le terrain des libertés fondamentales, le bilan est tout aussi désastreux. La liberté d’expression est bafouée, la presse muselée, la censure omniprésente. Le nombre de journalistes et de bloggeurs emprisonnés est l’un des plus élevés au monde. La version révisée du code pénal iranien continue de prévoir la lapidation des femmes jugées coupables d’adultère. De manière générale, les femmes subissent des discriminations institutionnalisées, notamment en matière de mariage, de divorce, de garde des enfants et d’héritage. Elles continuent d’être considérées comme des mineurs ne pouvant travailler ou se déplacer sans l’autorisation de leur mari. Une loi votée par le parlement iranien en 2013 permet désormais à un homme d’épouser sa fille adoptive dès que celle-ci atteint l’âge de 13 ans, ce qui revient selon l’avocate iranienne de défense des droits de l’homme, Mme Shadi Sadr, « à légaliser la pédophilie ». La répression politique s’abat également sur les militants de l’opposition. Malgré leur état de santé préoccupant, Mir Hossein Mousavi, Mehdi Karoubi et Zhara Rahnavard sont toujours assignés à résidence sans inculpation ni jugement.

Enfin, les minorités ethniques et religieuses subissent elles aussi des discriminations généralisées, notamment dans les domaines de l’enseignement, de l’emploi et du logement. Les chrétiens, les Juifs, les baha’is, les sunnites et les Kurdes sont traités comme une cinquième colonne et certains de leurs membres sont persécutés sur la base d’accusations aussi vagues que le « prosélytisme » et les « activités anti-régime ». Sur la scène internationale, l’Iran n’est pas en reste. Le régime des mollahs a adopté une stratégie du chaos pour mieux asseoir son emprise sur le Moyen-Orient. Il participe activement à la déstabilisation de cette région volatile en poursuivant une politique expansionniste et belliqueuse qui menace de faire basculer l’ensemble du monde musulman dans une nouvelle guerre de religion. Son soutien actif à la milice chiite du Hezbollah au Liban, aux insurgés houthis au Yémen et au régime anti-sunnite en Irak aggrave les tensions confessionnelles entre chiites et sunnites déjà portées à leur paroxysme par la guerre civile syrienne. L’intervention militaire de Téhéran aux côtés du régime de Bachar el-Assad, responsable de la mort de centaines de milliers de syriens explique en grande partie la montée en puissance de Daesh et l’exode massif de millions de réfugiés fuyant la guerre et dont l’arrivée sur le sol européen constitue un défi majeur pour le Vieux Continent.

On ne peut donc considérer Téhéran comme un allié fiable dans la lutte contre le terrorisme islamiste d’autant que les dirigeants iraniens pratiquent depuis des années le double discours, notamment sur les visées de leur programme nucléaire. Le Directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), M. Yukiya Amano, a ainsi confirmé dans un rapport confidentiel daté du mois de décembre 2015 que le régime des mollahs a bel et bien voulu se doter de la bombe atomique malgré les dénégations répétées de ses dirigeants dont la duplicité est désormais avérée.

Téhéran continue également à souffler sur les braises du conflit israélo-palestinien en finançant des organisations terroristes telles que le Hamas, le Hezbollah et le Jihad islamique et en leur fournissant missiles et roquettes. Les dirigeants iraniens appellent régulièrement à la destruction de l’État d’Israël. Dans une interview accordée à France 2, le Président Rohani a déclaré qu’« Israël n’est pas un état légitime ». Joignant le geste à la parole, Téhéran a annoncé, deux semaines avant la Journée internationale du Souvenir de l’Holocauste, le lancement d’un nouveau concours de caricatures niant la Shoah, insultant par là même la mémoire des six millions de victimes juives du génocide nazi. La normalisation de nos relations avec l’Iran ne peut donc se faire sans un véritable changement d’attitude de ce pays tant sur le terrain du respect des droits humains que sur celui de sa politique internationale.

La France, patrie des droits de l’Homme, ne peut pas fermer les yeux sur le triste sort réservé à la population iranienne et notamment aux opposants et aux humanitaires. Elle ne peut pas davantage passer sous silence les déclarations ouvertement négationnistes des dirigeants iraniens alors que notre pays a fait de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme une grande cause nationale.

C’est pourquoi nous demandons au Président de la République de mettre à profit cette visite pour exiger de l’Iran la libération des prisonniers politiques et plus largement des progrès tangibles en matière de respect des droits de l’homme et des minorités religieuses et ethniques.

Nous exhortons également François Hollande à condamner publiquement les appels répétés des dirigeants iraniens à la destruction d’Israël et le négationnisme d’état pratiqué par le régime des mollahs.

C’est à la défense des principes de liberté, de justice et de tolérance que se mesure la fidélité aux valeurs universelles qui sont au fondement de notre République et de notre démocratie. Ces valeurs nous obligent. Notre pays ne peut les sacrifier sans se trahir car il porterait alors atteinte à la crédibilité de ses engagements internationaux et plus grave encore à son honneur.

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